lundi 21 septembre 2009

Kim : terrain en Inde – Delhi + Orissa

Bonjour à tous !

J’espère que le terrain de chacun se déroule bien et que tout le monde va bien.

Me voici maintenant à la moitié de mon séjour en Inde.

J’ai débuté mon stage début juillet au Centre de Sciences Humaines, à New Delhi. Je suis attachée au programme de recherche de Loraine Kennedy « Economic Reforms, Regional Economies and Evolving Federal Governance.” Ce programme a pour but d’étudier les stratégies des différents Etats en Inde, dans le contexte des politiques de décentralisation et de libéralisation poursuivies depuis le début des années 1990. Il s’agit donc plutôt d’une approche macroéconomique. L’étude des « stratégies » s’appuie essentiellement sur des entretiens qualitatifs avec des acteurs politiques clef (hommes politiques, bureaucrates, activistes, ONG, journalistes…). Parallèlement, pour notre master, il semble que nous soyons plus poussés à mener une enquête quantitative, avec définition d’un échantillon, questionnaire… Du coup, une telle approche paraît plus adaptée à des sujets plus micro-économiques…

Trouver un sujet qui puisse satisfaire à la fois le CSH et les attentes pour notre mémoire n’a pas été facile…c’est pourquoi j’ai mis autant de temps à « trouver » un sujet. Dès le départ je m’intéresse aux « trappes à pauvreté. » J’ai choisi d’étudier le cas de l’Orissa (un des Etats les plus pauvres de l’Inde). Dans cet Etat, il existe de grandes disparités à la fois géographiques et sociales (les basses castes et les populations tribales étant les populations les plus touchées par la pauvreté).

Dans ce contexte, j’ai choisi d’étudier le concept de trappe à pauvreté « fractale » (comme présenté dans l’article de Barrett et Swallow, paru en 2006 dans World Development). Les auteurs émettent l’hypothèse que des trappes à pauvreté peuvent exister à différents niveaux d’agrégation, que ces différents niveaux sont liés entre eux et qu’un phénomène à un niveau peut avoir des répercussions sur un autre niveau et que les mécanismes qui enferment les individus dans la pauvreté peuvent être les mêmes à différents niveaux (d’où le terme « fractal »). Les deux auteurs expliquent (plus précisément dans leur working paper - pour ceux que ça intéresse : http://www.nric.net/poverty/pubs/Fractal_Poverty_Traps.pdf.), que les agents économiques ont différentes « stratégies » (définies comme “a set of activities undertaken by (individual or collective) decision-makers using available assets to shape current and future standards of living”). Certaines stratégies permettent d’accéder à de meilleurs rendements, tandis que d’autres peuvent enfermer les agents dans la pauvreté. Le choix de la stratégie dépend des opportunités et contraintes auxquelles font face les agents. Ces contraintes et opportunités sont d’une part déterminées par les « avoirs » (« assets ») (avoirs physiques, financiers, humains, naturels, capital social…) que détiennent les agents, et d’autre part façonnées institutionnellement (plusieurs facteurs peuvent entrer en jeu : le système de droit, la participation politique, distance par rapport au pouvoir…)

Je me suis dit que le concept de trappe à pauvreté fractale me permettrait d’inclure à la fois les échelles micro et macro. Ma recherche serait donc de voir dans quelle mesure ce concept peut s’appliquer au cas de l’Orissa. La grosse difficulté de ce sujet est méthodologique : il n’y a pas (à ma connaissance) de formalisation « technique » de cette théorie, ni d’article qui tente de tester empiriquement cette théorie. Je pense que pour pouvoir tester cette théorie, je dois identifier les différentes stratégies des agents économiques à différents niveaux.

Au niveau micro, je souhaitais conduire une enquête dans un ou deux villages. Une enquête quantitative me permettrait de déterminer quels sont les « assets » des individus. Des entretiens qualitatifs me permettraient peut-être de saisir quelles sont les stratégies et contraintes (institutionnelles…) des individus.

Au niveau meso, il me faudrait à la fois obtenir des statistiques sur les conditions de vie des habitants, sur les dépenses et activités du bloc / du district ou de la région. Des entretiens avec des bureaucrates, acteurs politiques…me permettraient peut-être de cerner les éventuelles stratégies poursuivies.

Au niveau macro, j’ai commencé à étudier les finances de l’Etat (recettes, dépenses sectorielles) pour essayer d’identifier la stratégie de développement du gouvernement, ses contraintes financières et ses opportunités (ressources naturelles, tourisme…). Il me faudrait encore mener plusieurs entretiens qualitatifs pour voir quelle stratégie politique est suivie par le gouvernement.

Est-ce que vous pensez qu’il s’agit d’une méthodologie appropriée ? Une enquête micro au niveau d’un village nécessiterait d’interroger combien d’individus ?

Côté pratique : je me suis rendue en Orissa quelques jours en août pour interroger plusieurs personnes (bureaucrates, hommes politiques, chercheurs, professeurs, journalistes). J’ai maintenant quelques contacts sur place. Mon budget n’est pas énorme mais suffisant pour engager un assistant de recherche qui pourra m’aider sur place (traduction, déplacements…). La principale contrainte à mon avis est le temps qu’il me reste : un tout petit peu plus de 2 mois.

Merci d’avoir lu ce long message jusqu’au bout !! J’attends vos commentaires avec impatience !

Bon courage à tous et à très bientôt par mail ou sur le blog !

Kim

2 commentaires:

  1. Bonjour Kim,

    Ton sujet me semble tres intéressant mais comme il mobilise de nombreux concepts je ne suis pas sure de tout comprendre.

    J ai juste une suggestion si tu souhaites mener des entretiens qualitatifs et qu il s avere que ce soit la bonne méthode pour ta recherche. Je suis en train de lire une methodologie qui me semble tres claire:

    AUERBACH Carl F., and Louise B. SILVERSTEIN (2003) Qualitative Data, An Introduction to Coding and Analysis, New York University Press.

    Le livre explique les apports d une demarche qualitative et comment traiter les données des interviews. Si tu parviens a effectuer tes interviews maintenant, le codage peut se faire une fois en France, la seule contrainte etant qu il faut rester en contact avec quelques interlocuteurs en Inde car les auteurs de ce livre recommandent une verification de ton interpretation des interviews par quelques participants de l enquete et chercheurs sur place.

    J espere que ca pourra t aider pour tes derniers mois de terrain,

    Marianne

    RépondreSupprimer
  2. Salut Kim,

    je vois que tu avais egalement un probleme de defintion de ton sujet pour la realisation des tes recherches.

    En effet, peut-etre tu l´as vu, j´ai egalement un probleme au niveau de la definition d´une problematique qui puisse traiter de la pauvrete urbaine, sous un angle des transports.

    La question du transport peut connaitre surtout connaitre des strates tres impressionnant qui se dessinnent dans la decision de l´investissement (a priori) et dans les consequences tarifaires (a posteriori). A ce sujet, Phd. Caroline Fabianski avait recense quatre filieres qui sont visibles dans un projet de transport d´une municipalite.

    En regardant et analysant ce que tu as ecrit ici, je me heurte au meme probleme de la preparation d´un questionnaire qualitative et quantiative. C´est ainsi que ton analyse d´une pauvrte fractale me semble essentiel - mais complexe a mettre en place peut etre...

    Nos tuteurs ont-ils repondu a ce post de Kim?

    Bonnes chances!
    Murat

    RépondreSupprimer