vendredi 25 septembre 2009

Raphaëlle : Terrain en Inde - Delhi

Bonjour a tous !

Voici quelques détails quant à mon terrain, et également quelques interrogations. Je suis donc arrivée en Inde il y a deux mois, et il y a une semaine de cela, j’ai commencé mon terrain.

Je vous rappelle mon sujet, j’essaie de faire une comparaison de différentes définitions de la pauvreté :

- pauvreté monétaire, mesurée par une approche par la consommation
- pauvreté a la Sen, mesurée par l'absence de capabilites
- pauvreté a la John Rawls, mesurée par l'absence de biens premiers


Mon questionnement de départ est le suivant: est ce que les pauvretés en termes de biens premiers, de capabilites et de ressources monétaires isolent les mêmes personnes?

Apres une comparaison des théories de Rawls et Sen, j'aimerais voir, grâce aux données de terrain, s'il existe une variabilité individuelle dans la manière de transformer les moyens du bien-être en opportunités réelles de bien être. En effet, si le recouvrement de la pauvreté n'est pas identique a partir des trois définitions (un individu est pauvre « à la Sen », mais pas « a la Rawls »), on peut conclure que cette variabilité individuelle existe, et justifier l'existence parallèle des théories de Sen et Rawls.

Pour l’instant (avant de tirer des conclusions !), il s’agit donc de mesurer au mieux les trois pauvretés différentes.

J’ai décidé de mesurer la pauvreté monétaire au niveau du ménage, pour transformer ensuite ces donnes en données individuelles (consumption per adult equivalent). Il m’a semble, après lectures, qu’il s’agissait de la méthode la plus appropriée pour avoir une « bonne » mesure de la pauvreté en terme de richesse. C’est donc une mesure par la consommation : j’énumère une liste de 15 postes budgétaires (transport, communication, medical expenses, electricity charges, etc.) pour lesquels le chef de ménage me donne le montant mensuel alloué a ces différents postes. J’évalue ensuite les biens durables possédés par le ménage (liste de 25 biens). J’avoue que je ne sais pas encore vraiment comment traiter cette mesure « biens durables », ni comment l’inclure dans mon indice de pauvreté monétaire (faut-il posséder trois chaises, un ventilateur et une télévision pour ne plus être pauvre monétairement ?)

Concernant la pauvreté à la Sen, ca se complique un peu. C’est une mesure au niveau individuel (j’interroge les membres du ménage qui sont présents au moment de l’enquête, qui ont 13 ans et plus). Ici, le but est de poser les questions de façon à ce que l’individu identifie et réponde en fonction de ses capabilities (accès, opportunités). Exemple de question : « Does your health in any way limit your daily activites compared to most people of your age ? » plutôt que « Are you in good health ? », ou encore « Do you think your education level prevent you from living the life you would like to live ? ». J’ai donc 5 questions de ce type qui me permettent de mesurer la pauvreté à la Sen.

Pour ce qui est de la pauvreté à la Rawls, les choses se compliquent encore plus. La Théorie de la justice fait appelle à des principes philosophiques plus qu’économiques, et la liste des biens premiers définie par Rawls est complexe à mesurer par un questionnaire :

1. droits et libertés de base
2. liberté dans le choix d'une occupation entre des possibilités variées (equality of opportunity)
3. pouvoirs et prérogatives afférant à certains emplois et positions de responsabilité dans les institutions politiques et économiques
4. revenu et richesse
5. bases sociales du respect de soi

J’ai retenu pour la formulation des questions les biens premiers suivants : liberté d’expression, non-discrimination a l’emploi, être lettré, être en bonne santé, considérer son existence comme valable et se considérer comme un individu digne de confiance. Le risque est que ces questions soient trop proches de celles pour Sen, et isolent, par biais de construction du questionnaire, les mêmes personnes.


Un premier contact avec le terrain m’a donc bien éclairée sur la (in/) validité de mon questionnaire. Les individus interroges pour ce test vivent dans un bidonville au nord de Delhi, a proximité d’une gare, sur un terrain qui appartient a l’Etat. Concernant les modalités linguistiques du recueil des données, un research analyst de l’université de Delhi m’a accompagne pour traduire les échanges de l’hindi vers l’anglais.

Le premier souci était la longueur du questionnaire et la complexité du recueil des données de dépense (15 postes budgétaires + biens durables). La durée du questionnaire a été de 40 minutes (invariable sur 12 ménages interroges), ce qui m’a paru convenable (les personnes interrogées ne se déconcentrent pas comme j’avais pu le craindre). Le recueil des données de dépense n’a pas pose de problème non plus, a l’inverse de ce que craignait Thomas Renaud (risque d’approximation ou de non-réponse) : il se trouve que les chefs de ménage ont une connaissance très exacte de combien ils allouent a chaque poste budgétaire. J’ai obtenu des réponses précises et rapides.

Second souci, celui de la désirabilité sociale lorsque je pose les questions suivantes : « Do you freely express your views while speaking with your family and friends ? » (No, Rather no, Rather yes, Yes) et « In your opinion, are you considered as a valuable person by others ? » (No, Rather no, Rather yes, Yes). Il est évident que je n’ai pas pu prendre les individus a part pour leur poser ces questions, et qu’ils répondent donc soit en présence du chef de ménage, soit de leurs frère/sœur/amis… Cependant, dans les réponses obtenues (sur le petit échantillon de 24 personnes/12 ménages qui ont servi au test), certaines sont négatives. Il est vrai, cela dit, que j’ai pu passer a cote de certaines réponses négatives a cause des raisons précédemment évoquées. Solution envisagée (critiquable !) : pondérer les réponses obtenues a ces questions. Ainsi, un « Rather yes » pour « Do you freely express your views while speaking with your family and friends ? » me parait très différent d’un « Yes », franc… Est-ce envisageable de traiter/interpréter les réponses de cette manière ? (méthodologie, antécédents en la matière ?)

Un dernier petit souci soulevé par Thomas Renaud, la taille de l’échantillon. Je compte interroger 50 ménages (soit facilement une centaine d’individus, voire plus) dans un premier bidonville, et 50 autres ménages dans un second bidonville (même remarque), ou les problèmes ne sont pas les mêmes (alcool notamment). Qu’en pensez-vous ? Trop peu ?

Enfin (et j’arrête la), je pense que je vais avoir recours a quelques entretiens qualitatifs, la méthodologie dont tu parlais Marianne m’a l’air intéressante (mais le livre difficile a trouver !). En effet, comparer Sen et Rawls nécessite aussi une approche qualitative a mon avis. J’y réfléchis.

Merci d’avance pour vos réponses, si vous avez le courage de tout lire.

Bon courage a tous,

Raphaëlle

mardi 22 septembre 2009

Violeta: malnutrition et SIDA au Niger

Bonjour à tous,
Au Niger tout se passe bien mais très très lentement. Rancontrer les gens ne veut pas dire forcement pouvoir parler avec eux, car il faut d'abord se présenter, puis tout la céremonie protocolaire, ensuite determiner un rendez-vous et prier pour que la personne soit là au moment de l'entretien determiné auparavant qui n'est pas toujours le cas. De plus les gens arrêtent pas mal les réunions à cause des prieres (5 fois par jour) et avec le ramadan vous pouvez imaginer la capacité de concentration que les personnes avaient l'après-midi avec 38 degrés quand il n'avaient pas mangé ni bu de la journée. Heureusement le ramadan est fini et tout reprend doucement. Sinon mon projet (Déterminants socio-économiques de la malnutrition chez les patients VIH+) avance irregulièrement et sincèrement le fait d'être médecin me facilite assez les choses vis à vis des médecins, des patients, et de tout le monde en général, malgré le grand inconveniant d'être une femme. Par contre les bases de données sur la malnutrition n'existent simplement pas. Donc en ce moment je suis en train de reconstruir une base de données sur la malnutrition à partir d'autres paramètres que les médecins notent plus souvent dans les dossier patients pour pouvoir determiner l'état nutritionel . Je crois qu'il vaut mieux que j'utilise cela pour avoir une plus grande base de données. Ensuite je compte créer ma propre base de données par entretiens, même s'il s'avère assez difficile, qui analyse les causes de malnutrition pour chaque patient et l'impacte économique du fait d'être malade pour chaque patient (j'ai envoyé déjà le questionnaire à M. Renaud) mais j'accepte des suggestions. Voilà, j'espère que vous allez bien. Les commentaires sont bienvenus. A bientôt!
violeta

lundi 21 septembre 2009

Kim : terrain en Inde – Delhi + Orissa

Bonjour à tous !

J’espère que le terrain de chacun se déroule bien et que tout le monde va bien.

Me voici maintenant à la moitié de mon séjour en Inde.

J’ai débuté mon stage début juillet au Centre de Sciences Humaines, à New Delhi. Je suis attachée au programme de recherche de Loraine Kennedy « Economic Reforms, Regional Economies and Evolving Federal Governance.” Ce programme a pour but d’étudier les stratégies des différents Etats en Inde, dans le contexte des politiques de décentralisation et de libéralisation poursuivies depuis le début des années 1990. Il s’agit donc plutôt d’une approche macroéconomique. L’étude des « stratégies » s’appuie essentiellement sur des entretiens qualitatifs avec des acteurs politiques clef (hommes politiques, bureaucrates, activistes, ONG, journalistes…). Parallèlement, pour notre master, il semble que nous soyons plus poussés à mener une enquête quantitative, avec définition d’un échantillon, questionnaire… Du coup, une telle approche paraît plus adaptée à des sujets plus micro-économiques…

Trouver un sujet qui puisse satisfaire à la fois le CSH et les attentes pour notre mémoire n’a pas été facile…c’est pourquoi j’ai mis autant de temps à « trouver » un sujet. Dès le départ je m’intéresse aux « trappes à pauvreté. » J’ai choisi d’étudier le cas de l’Orissa (un des Etats les plus pauvres de l’Inde). Dans cet Etat, il existe de grandes disparités à la fois géographiques et sociales (les basses castes et les populations tribales étant les populations les plus touchées par la pauvreté).

Dans ce contexte, j’ai choisi d’étudier le concept de trappe à pauvreté « fractale » (comme présenté dans l’article de Barrett et Swallow, paru en 2006 dans World Development). Les auteurs émettent l’hypothèse que des trappes à pauvreté peuvent exister à différents niveaux d’agrégation, que ces différents niveaux sont liés entre eux et qu’un phénomène à un niveau peut avoir des répercussions sur un autre niveau et que les mécanismes qui enferment les individus dans la pauvreté peuvent être les mêmes à différents niveaux (d’où le terme « fractal »). Les deux auteurs expliquent (plus précisément dans leur working paper - pour ceux que ça intéresse : http://www.nric.net/poverty/pubs/Fractal_Poverty_Traps.pdf.), que les agents économiques ont différentes « stratégies » (définies comme “a set of activities undertaken by (individual or collective) decision-makers using available assets to shape current and future standards of living”). Certaines stratégies permettent d’accéder à de meilleurs rendements, tandis que d’autres peuvent enfermer les agents dans la pauvreté. Le choix de la stratégie dépend des opportunités et contraintes auxquelles font face les agents. Ces contraintes et opportunités sont d’une part déterminées par les « avoirs » (« assets ») (avoirs physiques, financiers, humains, naturels, capital social…) que détiennent les agents, et d’autre part façonnées institutionnellement (plusieurs facteurs peuvent entrer en jeu : le système de droit, la participation politique, distance par rapport au pouvoir…)

Je me suis dit que le concept de trappe à pauvreté fractale me permettrait d’inclure à la fois les échelles micro et macro. Ma recherche serait donc de voir dans quelle mesure ce concept peut s’appliquer au cas de l’Orissa. La grosse difficulté de ce sujet est méthodologique : il n’y a pas (à ma connaissance) de formalisation « technique » de cette théorie, ni d’article qui tente de tester empiriquement cette théorie. Je pense que pour pouvoir tester cette théorie, je dois identifier les différentes stratégies des agents économiques à différents niveaux.

Au niveau micro, je souhaitais conduire une enquête dans un ou deux villages. Une enquête quantitative me permettrait de déterminer quels sont les « assets » des individus. Des entretiens qualitatifs me permettraient peut-être de saisir quelles sont les stratégies et contraintes (institutionnelles…) des individus.

Au niveau meso, il me faudrait à la fois obtenir des statistiques sur les conditions de vie des habitants, sur les dépenses et activités du bloc / du district ou de la région. Des entretiens avec des bureaucrates, acteurs politiques…me permettraient peut-être de cerner les éventuelles stratégies poursuivies.

Au niveau macro, j’ai commencé à étudier les finances de l’Etat (recettes, dépenses sectorielles) pour essayer d’identifier la stratégie de développement du gouvernement, ses contraintes financières et ses opportunités (ressources naturelles, tourisme…). Il me faudrait encore mener plusieurs entretiens qualitatifs pour voir quelle stratégie politique est suivie par le gouvernement.

Est-ce que vous pensez qu’il s’agit d’une méthodologie appropriée ? Une enquête micro au niveau d’un village nécessiterait d’interroger combien d’individus ?

Côté pratique : je me suis rendue en Orissa quelques jours en août pour interroger plusieurs personnes (bureaucrates, hommes politiques, chercheurs, professeurs, journalistes). J’ai maintenant quelques contacts sur place. Mon budget n’est pas énorme mais suffisant pour engager un assistant de recherche qui pourra m’aider sur place (traduction, déplacements…). La principale contrainte à mon avis est le temps qu’il me reste : un tout petit peu plus de 2 mois.

Merci d’avoir lu ce long message jusqu’au bout !! J’attends vos commentaires avec impatience !

Bon courage à tous et à très bientôt par mail ou sur le blog !

Kim

vendredi 11 septembre 2009

David: Pédagogie du développement

Un article de Vincent Bignon et Marc Flandreau dans la Revue "l'Economie Politique" qui revient sur la genèse et l'évolution de la filière "Economie du Développement International".


Dans un des Contes du chat perché, de Marcel Aymé, intitulé " Le Problème ", Delphine et Marinette doivent calculer le nombre de bouleaux, de chênes et de hêtres que contiennent les bois de la commune, sachant la densité de ces arbres pour un are et le nombre d'hectares que couvrent les fameux bois de la commune. Consultées par les petites filles qui sèchent sur ce qui n'est encore qu'un problème d'arithmétique, les bêtes de la ferme vont les convaincre d'aller tout simplement dans les bois de la commune prendre connaissance elles-mêmes de leurs constantes, avec les conséquences qu'on peut entrevoir.

Ce faisant, et sans le savoir, les bêtes de la ferme viennent d'inciter les petites filles à devenir des économistes. Car les économistes partagent la philosophie des bêtes de la ferme et, dans leur activité de recherche, ils font tous, à des degrés divers et avec plus ou moins de bonheur, ce travail de mesure et de construction d'une réalité qu'ils observent, puis d'une explication de cette réalité. Car l'économie, comme les autres sciences sociales, est une science d'observation.

La spécificité de l'économie du développement, dans ce contexte, tient à l'extrême diversité des situations possibles, des champs interprétatifs, et à la richesse des faits auxquels elle se confronte. Cette richesse, cette diversité obligent à remettre sans cesse sur le métier l'observation des phénomènes économiques et la construction de la réalité.

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jeudi 3 septembre 2009

Marianne: debut terrain Mexique

Chers tuteurs et camarades,

J espere que vous allez bien !

Apres avoir postule a plusieurs aides, j ai obtenu une bourse de la Fondation de France pour financer le terrain, en contrepartie d un rapport de stage et d une soutenance devant un jury. Je viens de commencer le stage dans l Unite de Developpement Social de la CEPAL au Mexique, et me familiarise actuellement avec un projet de recherche qui est en cours, sur les concepts et les mesures de la pauvrete multidimensionnelle au Mexique et en Amerique Centrale.

Nous avons discute avec ma maitre de stage qui propose que le sujet de mon memoire s inscrive dans ce theme afin de faire avancer le projet et pouvoir travailler avec l equipe concernee (3 chercheurs). Le sujet du memoire sera plus precis et cible que ce theme. Ma directrice, Ana Coates, est interessee par un travail de revue de la literature, mais emet des doutes quant a la faisabilite d une enquete quantitative au terme de ce travail, et prefere une enquete qualitative qu elle pourrait mieux encadrer. Cela sera a definir une fois le sujet et l hypothese a tester fixes.

Mme Sindzingre, j ai consulte la bibliographie de votre cours et de votre article sur la pauvrete multidimensionnelle, auriez-vous l amabilite de me recommander par quelles lectures il serait
preferable de commencer?
Raphaelle, est-ce que tu travailles aussi sur un sujet lie a la pauvrete?

En vous remerciant pour vos remarques et contributions, et dans l attente de vos nouvelles, bon debut de terrain a tous!

Marianne